Entretien et évaluation sur les élections 2023
Entretien et évaluation sur les élections 2023
Dans un entretien avec l’agence de presse Keystone-ATS, le politologue genevois Nenad Stojanovic fait le point avant les élections fédérales du 22 octobre, aussi dans la perspective de l’élection du Conseil fédéral. Il répond aux questions de nos deux responsables du dossier, Eva Surbeck (su) et Christian Rovere (ro).
A 100 jours des élections fédérales, l'UDC semble assurée de rester le premier parti du pays. En revanche, la bataille s'annonce rude entre le Parti socialiste et le PLR pour la deuxième place. Le résultat de ce duel pourrait influencer l'élection du Conseil fédéral en décembre, estime le politologue Nenad Stojanovic.
Socialistes et libéraux-radicaux sont relativement proches dans les sondages, souligne le politologue de l'Université de Genève. En octobre dernier, une année avant les élections, ils étaient pratiquement au coude-à-coude, autour de 16%. Pour M. Stojanovic, « c'est clair que la bataille se joue ici. » Pas seulement à cause du départ d'Alain Berset. Déjà avant l'annonce du départ du Fribourgeois, l'élection au Conseil fédéral était déjà en ligne de mire.
Pour M. Stojanovic, si le PS conserve sa deuxième place de manière confortable, il sera difficile de l'attaquer en disant que les socialistes sont surreprésentés au gouvernement, tout en permettant aux libéraux-radicaux de conserver leurs deux sièges. Les tout derniers sondages vont dans cette direction, car le PLR est descendu au-dessous de 15% et le PS s’approche de 18%, selon le baromètre électoral de la SSR publié la semaine dernière.
En revanche, si le PLR devait passer devant le PS, cela changerait la donne : la pression augmenterait sur les socialistes. Cela augmenterait les appétits pour le second siège socialiste et cela renforcerait celles et ceux chez les Verts qui n'excluent pas l'idée d'entrer au Conseil fédéral au détriment des socialistes, comme la présidente du groupe parlementaire Aline Trede.
Nenad Stojanovic estime qu'il est encore trop tôt pour dire comment la campagne va se développer. Le pic aura lieu après les vacances d'été. Mais « je peux très bien imaginer que le PS profite de l'occasion pour appeler à voter non seulement en faveur de ses thématiques (p.ex. la question des assurances maladie), mais aussi pour défendre sa présence historique au gouvernement avec deux sièges », ajoute-t-il.
Le politologue rappelle par ailleurs que la force électorale des partis n'est pas l'unique baromètre du poids de chaque formation, ni même le nombre de sièges au Conseil national, qui est élu à la proportionnelle. « On a tendance à oublier que les chiffres qui comptent sont ceux du nombre de sièges à l'Assemblée fédérale, car c’est là que chaque candidat au Conseil fédéral doit trouver une majorité pour être élu », souligne-t-il.
Or, le Centre et le PLR sont surreprésentés au Conseil des Etats et ils pourraient encore se renforcer, alors que le PS risque de perdre des plumes. M. Stojanovic rappelle que le parti à la rose a déjà perdu deux sièges en cours de législature – ceux de Christian Levrat à Fribourg et récemment de Paul Rechsteiner à St-Gall. Il faut ajouter le siège de la Tessinoise Marina Carobbio qui est resté vacant depuis son élection à l’exécutif cantonal, en avril dernier, et que les socialistes réussiront difficilement à conserver. En outre, des scrutins difficiles se dessinent pour le PS notamment à Soleure et à Berne.
En conséquence, si le PLR devait devancer le PS en nombre de sièges à l'Assemblée fédérale – le premier détient actuellement 41 sièges, le second 45 – il y aurait un argument supplémentaire pour remettre en cause le second siège socialiste. Tandis que si les socialistes maintiennent leur position de deuxième parti à l'Assemblée fédérale, les choses deviennent plus difficiles pour celles et ceux qui aimeraient réduire la présence socialiste au Conseil fédéral à une seule personne.
Il n'y a pas de règle écrite concernant la composition du Conseil fédéral, rappelle M. Stojanovic. Chaque parti interprète la formule magique en fonction des critères qui l'avantagent et essaie de tirer la couverture à soi.
Pour le reste, la tendance semble assez nette, sur la base des sondages et des élections cantonales. « La grande surprise de 2019 ne devrait pas se répéter », souligne Nenad Stojanovic en évoquant la "vague verte" d'il y a quatre ans. Au contraire, il y a « des indices assez clairs » que les Verts ne réussiront pas à maintenir leurs sièges. Les sondages montrent un recul de deux à trois points de pourcentage.
Les Vert'libéraux, eux, ne semblent pas en difficulté, contrairement aux Verts. La tendance est qu'ils devraient au moins conserver leurs sièges, voire légèrement progresser. Leur état de forme pourrait créer des problèmes au PLR, d'autant que le climat n'est pas un thème sur lequel les libéraux-radicaux sont unis.
Les deux derniers grands partis devraient rester stables. Aucun indice ne montre que l'UDC est en perte de vitesse. Le premier parti de Suisse devrait rester largement en tête. Il devrait capitaliser sur la thématique de la migration, 2e préoccupation des Suisses. C'est un thème qui lui permet de mobiliser son électorat.
Stabilité aussi pour le Centre, qui reste autour de 13-14%, soit le score cumulé du PDC et du PBD avant la fusion, même si les derniers sondages montrent qu’il s’approche du PLR.
Si le Centre devait passer devant le PLR, cela serait une « claque » pour ce dernier, car on ne trouverait pas logique que les libéraux-radicaux détiennent deux sièges au Conseil fédéral et le Centre un seul, souligne Nenad Stojanovic. Par ailleurs, déjà aujourd’hui la somme des sièges de l’ancien PDC et de l’ancien PBD à l’Assemblée fédérale est de 42, un de plus que le PLR. (ro/su)